Les Serer éprouvent constamment le besoin de recourir à la divination, qu'il s'agisse de prendre une décision individuelle, d'interpréter un rêve, de guérir certaines maladies mentales ou de prédire des événements collectifs.
Ils connaissent diverses techniques divinatoires, pour la plupart sénégalaises — position de bâtonnets, de cauris ou de noix de cola, géomancie, inspiration par les pangol — , mais la plus estimée et la seule publiquement utilisée à l'occasion de ce rite annuel est la voyance, le Xooy. La cérémonie divinatoire du xooy est organisée à l’approche de la saison des pluies sur la place des villages par la communauté des Serer du centre-ouest du Sénégal. A Fatick le centre Malango abrite depuis 1989 cette séance de divination des saltigués. Cette cérémonie organisée annuellement par PROMETRA* à l’approche de l’hivernage passe au peigne fin le déroulement de la saison des pluies.
Durant cette longue veillée nocturne, les maîtres voyants, connus sous le nom de saltigués, se succèdent dans le cercle qui leur est réservé pour délivrer, au rythme des tamtams, leurs prédictions à une assistance en délire.
La cérémonie du xooy apporte des réponses aux questions clés pour la communauté que sont, entre autres, la pluie, les fléaux ou les maladies et les remèdes. La combinaison des vêtements éclatants, des chants, des danses, des proverbes et des devinettes des saltigués — prêtres-officiants passés maîtres dans l’art de la communication — crée une cérémonie spectaculaire, riche en couleur qui tient l’assistance en haleine jusqu’à l’aube.
Le xooy est un événement majeur de l’agenda culturel national et constitue un espace privilégié d’expression et de valorisation du patrimoine culturel sérere.
Les Saltigués
Les saltigués sont les médiums vivants du xooy, ils préservent et transmettent les connaissances ésotériques essentielles à la cérémonie. Également chargés d’intercéder entre les hommes, l’Être suprême, la nature et les génies, ils régulent la société et garantissent l’harmonie entre les hommes, les femmes et leur environnement. Grâce à leur connaissance des plantes, ils pratiquent aussi la tradithérapie qui aide à soulager les souffrances.
Encore appelé "grand maître voyant", le saltigué est un homme, une femme, un enfant, en somme un personnage qui se caractérise par des rituels et des actions mystiques. Son accoutrement est
spécial durant le Xooy. Il porte des cornes qui symbolisent la puissance, des têtes de charognards qui renvoient à la puissance de la vision. Il aime bien la couleur rouge qui, entre autre,
protège contre «le mauvais œil» disent-ils. C’est-à-dire le regard méchant. Tout cela lui permet d’entrer en contact avec les esprits.
Son langage n’est pas compris par n’importe qui. Il faut au préalable être initié comme aime si bien le dire le directeur de PROMETRA Sénégal, Erick Gbodossou. Durant leur divination, les
saltigués font des rotations dans le sens contraire de l’aiguille d’une montre, de type lévogyre, autour d’une petite case qui se trouve dans la grande cours du centre Malango. Certains tendent
des cordes à trois, sept, neuf nœuds en esquissant des pas de danse comme du folklore.
«Ce n’est pas pour faire plaisir à des touristes. On travaille avec les trois méthodes de la communication (la parole, le rythme et le mouvement) pour communiquer avec la transcendance. En fait,
il y a sur les cordes autant de nœuds que le niveau de leur ascension transcendantale. La corde est un symbole extrêmement pur. Comme l’araignée tisse sa destinée avec une substance pour aller
vers les cieux, le saltigué utilisent sa corde pour trouver ce qu’il cherche» a déclaré Gbodossou qui réfute tout propos tendant à dire que c’est du folklore. Ces cordes dont le contenu est
difficile à connaitre sont faites de choses mystiques et enveloppées avec un morceau de couleur rouge, "symbole du céleste".
*PROMETRA (Promotion de la Médecine Traditionnelle) est autant un organisme de recherche culturelle, de pratique médicale, de diffusion scientifique, qu’un instrument d’intégration panafricaine et de relations internationales à travers la revalorisation des médecines, des religions anciennes et de la spiritualité universelle. C’est en effet la définition que lui donnent ses initiateurs.
Environ 500 tradipraticiens, gardiens de culte, leaders spirituels et leurs disciples font partie de PROMETRA. Parmi eux, les saltigués (grands maîtres voyants)
sérères de Fatick au cœur du Xooy. La cérémonie de divination accueille chaque année une délégation de l’ethnie lébou de Rufisque et bien d’autres délégations de Yoff et de la Casamance qui sont
des guérisseurs ou qui font aussi des divinations.
A côté des séances de divination, Malango accueillent des malades. Les guérisseurs sont aussi des voyants. «Certains malades arrivent dès fois sur des brancards et
repartent sur leur pied. D’autres reçoivent des résultats d’analyse de leur médecin indiquant une espérance de vie qui ne dépasse pas trois mois par exemple, mais une fois au centre Malango, ils
ont une espérance de vie plus longue» confie le directeur de PROMETRA Sénégal, Erick Gbodossou. Il ajoute qu’il n’y a jamais eu de mort.
https://ich.unesco.org/fr/RL/le-xooy-une-crmonie-divinatoire-chez-les-serer-du-sngal-00878
Monde visible, monde invisible:
Le monde sérère a une double structure : le visible et l’invisible. Le monde visible appartient aux êtres physiques (hommes animaux, astres, végétaux, minéraux) et le monde invisible à Dieu et aux êtres spirituels. « Ce qu’il faut souligner, explique le père Henry Granvrand, c’est qu’entre le monde visible et invisible, il n’y a pas de séparation, mais continuité et interaction. C’est le même univers sous son double aspect extérieur et intérieur, matériel et spirituel, visible et invisible. Cette double structure se retrouve dans l’homme, où se réalise la rencontre du monde visible et du monde invisible ». (2)
L’homme qui est un être corporel et spirituel peut intervenir dans les deux mondes grâce à six principes : la renaissance ou réincarnation (timnah), la métamorphose (suptah), la bilocation (signatah), les morts-vivants (hon faf) et enfin le rêve nocturne (o dad).
Le madag, le salitgui, le xooy et le samel:
Il existe quatre catégories de devins qui, par ordre décroissant de puissance, sont : le yaal xoh (« maître de la tête », celui qui sait) , le madag, le saltigi et le samel.
Le yaal xoh et le madag qu'il est difficile de distinguer l'un de l'autre, possèdent cette qualité de naissance. Ils la partageraient avec le chien et le cheval qui prennent peur la nuit parce qu'ils « voient » des fantômes — on croit que le pouvoir de ces animaux se transmet si on injecte leur chassie dans les yeux d'un être humain.
Le saltigi, par contre, est le devin officiel d'un ou de plusieurs villages et sa nomination obéit à certaines règles.
Le samel se comportent en griots-devins et leur intervention, au lendemain de funérailles, est redoutée. En effet, ils viennent en groupe réclamer à l'héritier d'un défunt fortuné tels animaux ou valeurs que le moribond leur aurait légués au cours d'une vision et d'un entretien nocturnes, et qu'ils doivent décrire avec précision.
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