La lutte Sérères


  • Rappels historiques sur la lutte traditionnelle au Sénégal :

 

Les jeux et sports traditionnels constituent une composante essentielle de l’expression totale de l’environnement socioculturel africain. A l’image des croyances et des rites qui influent intimement sur le comportement social et individuel, la lutte traditionnelle peut être considérée comme une « école de la vie ».

 

Au Sénégal comme partout ailleurs, la lutte a semble-t-il eu pour fonction sociale majeure de préparer au métier de soldat. Il n’y a pas si longtemps que le moment décisif d’une bataille était le corps à corps et que les sociétés étaient souvent essentiellement guerrières. En outre, la lutte est une activité globale d’expression du génie populaire et du symbolisme des différents groupes ethniques. Et malgré les multiples mutations subies, la lutte traditionnelle sénégalaise a conservé certaines de ces fonctions premières tout au moins dans certaines zones géographiques.

 

Avec la modernisation, les guerres se font désormais à distance. La lutte comme activité préparatoire à la guerre est presque devenue inexistante. En dépit des transformations majeures, la lutte a sauvegardé deux de ses fonctions les plus importantes :

 

- Dans de nombreuses zones géographiques, elle est encore véhicule de l’imaginaire ;

 

- Elle se propose presque partout comme un moyen de valorisation de l’homme à travers le culte de la bravoure et de l’honneur qu’elle suscite. A travers deux lutteurs au combat, c’est deux familles, deux quartiers, deux villages, bref deux communautés qui entrent en compétition pour l’honneur, le respect, la hiérarchisation etc....

 


  • De l'origine de la lutte sérère

 

D'après la tradition sérère, rapportée par El Hadj SARR, la lutte s'origine dans une rencontre entre les génies nains, appelés Kuus et un berger.

 

"C'est du génie nain que l'homme tient la lutte traditionnelle et toutes les danses de la lutte, c'est-à-dire toute l'expression gestuelle qui accompagne celle-ci ». Ce transfert s'est effectué par le canal d'un berger. Terrassé jusqu'à épuisement par les génies nains, ces derniers remirent au berger une bande de cotonnade.

 

Dès qu'il eut attaché celle-ci, il alterna victoire et défaite.

 

C'est cela la lutte : maafir, radical maaf = terrasser et ir/ : modalité verbale qui marque l'idée de réciprocité.

 

Le génie nain le terrasse une fois, la fois suivante le berger terrasse le génie nain.

 

Quand le berger revint aux enclos à bétail, il appela les autres bergers et leur dit:

 

- J'ai rencontré quelqu'un, il m'a invité à lutter et m'a terrassé chaque fois puis il m'a remis sa bande de cotonnade et m'a dit : « Cette bande est : se terrasser mutuellement. Si tu me terrasses, je te terrasse. C'est cela la lutte ! »

 

Les bergers luttèrent entre eux. Celui qui avait la bande de cotonnade terrassait chaque fois. Ils en firent un jeu aux enclos à bétail jusqu'au jour où les anciens le découvrirent, le transférèrent au village, puis de village en village. Etant donné l'engouement que celui-ci provoquait chaque fois, ils décidèrent d'exécuter le jeu devant le roi. Quand celui-ci le découvrit, il dit : "C'est un jeu de force et tout ce qui ressortit à la force relève du pouvoir royal. En conséquence je m'approprie ce jeu !".

 

Dès lors seul le roi organisait les séances de lutte. Cependant, le jeu se répandit finalement dans toutes les contrées du royaume, avec toutefois une exigence : l'obligation d'adresser au prince une demande d'organiser les séances de lutte. Le prince l'accordait en déterminant le jour des séances de chaque demandeur. Telle est l'origine de la de lutte".

 

Le mythe nous éclaire donc sur l'importance accordée à la lutte par le pouvoir royal et l'ensemble du corps social, ainsi que sur la fonction essentielle jouée dans l'apprentissage de ce jeu par les bergers, ceux-là qui vont à la conquête quotidienne de l'environnement, les sens toujours aux aguets et sont, de ce point de vue, porteurs d'une certaine passion de la découverte et de la créativité. Le rôle joué par les bergers est conforme à l'intensité de la tranche de vie que représente la charge du troupeau. Imagine -t- on que dès l'âge de 7-8 ans, accompagné tout au plus de chiens l'enfant est seul derrière des dizaines de têtes de bovidés, prenant en charge leur sécurité, apprenant à les connaître, à les aimer, à leur parler, à se faire obéir d'eux, veillant à ce qu'ils ne soient guère cause de troubles sociaux dans un espace où doivent cohabiter éleveurs et cultivateurs ; où les champs de mil et d'arachide s'imbriquent avec les pâturages, sans l'existence de véritables parcours pour les bêtes, l'enfant apprend la solitude, la faim et la soif. Il apprend à écouter et à distinguer les sons et leurs significations; les êtres ou les objets qui les émettent ; à identifier les composantes de l'environnement, ceux propices à la nourriture de ses bêtes et ceux présentant des dangers inexorables, tout autant que ceux représentant des pièges pour lui-même. Il apprend à communiquer de loin par des cris codés qui permettent non seulement de l'identifier, mais également de le localiser et de saisir les informations ainsi diffusées.

 

L'enfant apprend à vivre en société avec les autres bergers qui deviennent sa propre mesure dans tous les champs où l'expérience met aux aguets sa perspicacité, son intelligence, son endurance, son courage, son inventivité, sa technicité, etc.

 



  • La lutte Sérère aujourd'hui :

Au Sénégal, la lutte traditionnelle est aujourd’hui considérée comme le sport national authentique et draine des milliers d’amateurs dans les arènes malgré, la coexistence d’autres sports populaires comme le football et le basket. « La lutte traditionnelle »...est acceptée et pratiquée par toutes les couches de la population avec des styles variés suivant les ethnies.
 

Ainsi on distingue des luttes :

      - Wolof

     - Sérère

     - Diola

     - Toucouleur

 

Toutes ces luttes sont regroupées par la fédération sénégalaise dans une tentative de codification systématique dans l’expression « lutte traditionnelle ». Cette dernière se compose de deux formes :

 -   L’une appelée lutte traditionnelle simple

- L’autre lutte traditionnelle avec frappe qui présente beaucoup plus de ressemblances avec le « business » et le spectacle.

La lutte Sérère ne puise pas sa richesse uniquement dans ses rythmes, dans seS techniques, mais reflète la société Sérère dans son organisation et dans ses croyances.

Selon Ndiaye « ...la lutte c’est également des symboles et des rites ... Un drame joué, fait d’objets, de gestes, de personnages issus de la culture vécue par le groupe».

 

Chez les Sérères, il existe à l’image des sociétés wolofs deux formes de lutte :

 

- Une lutte traditionnelle avec frappe ;

- Une lutte traditionnelle simple.

 

Contrairement aux wolofs, chez les Sérères, la première forme de lutte fut marginalisée au profit de la dernière qui continue d’être une des activités physiques majeures de la vie.

La fin des récoltes marque la période des grandes rencontres patronnées par le conseil des anciens. Ces derniers jouent un grand rôle dans l’organisation et le choix des représentants du village.

 

Le lutteur Sérère est par essence un athlète impressionnant de par sa carrure et sa musculature. Les techniques les plus souvent utilisées sont :

 - Le hanché chez les Safènes, Nones et Nduts ;

 - Le décalage chez les Sine-sines et les Saloum-saloums ;

 - L’arraché en percussion chez les lutteurs de la petite côte, (Mbour, Joal -fadiouth..

 

Dans la société Sérère, la lutte est l’occasion d’une manifestation culturelle et folklorique. Elle permet au lutteur d’évaluer la force, le courage et l’ingéniosité, mais aussi de défendre l’honneur de son village ou de sa communauté. Aujourd’hui, différentes actions sont entreprises pour préserver cet acquis culturel du monde Sérère.

Pour lutter dans la société sereer, c’est toute une communauté qui se mobilise, en polarisant toutes ses forces autour du lutteur qui en est le représentant et, si la virilité est mise en exergue parfois dans les postures, les muscles, la puissance des corps, la féminité n’est pas absente, au contraire, elle est bien déterminante. Ce sont les sœurs, les cousines, les tantes, les femmes du quartier, du village, la mère du lutteur qui se mobilisent plus particulièrement pour le protéger, lui dédier des chansons et assurer sa victoire. La lutte permet au lutteur d’évaluer sa force, son courage et son ingéniosité, mais aussi de défendre l’honneur de son village ou de sa communauté. Chez les Sereer, elle participe à la disponibilité des populations, au rapprochement entre villages, à la solidification des liens de parenté et aux réjouissances.

 



  • Séquences d'apprentissage:

 

La vie de berger sera précisément une tranche essentielle de la vie de l'enfant pour s'initier à l'art de la lutte. L'enfant est alors hors de l'espace villageois. Ici, point d'adultes si ce n'est aux heures de la traite des vaches au crépuscule, lorsque les bêtes sont ramenées aux enclos. Avant l'arrivée des adultes et dans la brousse les bergers sont entre eux et peuvent s'initier à l'art de la lutte sous leur seule responsabilité.

 

Plus jeunes, ils ont assisté aux séances de lutte dans le village et se sont imprégnés des règles du jeu. Dans les villages côtiers, l'initiation à la vie de groupe s'effectue dans les champs et la brousse, certes, mais aussi dans les bolongs où l'enfant apprend à nager et à pêcher selon différentes techniques, et quelquefois à chasser. Ce compagnonnage va souder entre eux les membres du groupe d'âge qui consolideront leur cohésion, organiseront le groupe et détermineront les règles pour l'érection d'un chef de file. Pour ce faire des compétitions auront lieu afin de désigner ce chef. A ce titre, chaque membre du groupe doit lutter avec tous ses autres camarades et sera désigné chef de file celui qui aura terrassé tous ses compagnons sans subir une seule défaite. Quelquefois même il faut avoir terrassé tous les membres du groupe deux fois de suite sans subir de défaite pour être désigné chef de file. Le chef est dénommé Mbir, c'est-à-dire Champion. Il est suivi dans la hiérarchie par celui qui aura eu plus de performances, lui mis à part. Ce vice-champion est appelé A caf - , mot à mot : La jambe- . Le troisième et dernier de la hiérarchie et dans l'ordre des performances, porte le titre de O jand, mot à mot La corne. Ainsi est constituée la tête du groupe qui va diriger celui-ci dans ses compétitions avec des groupes homologues appartenant à d'autres quartiers du village. L'apprentissage de la lutte s'effectue également dans le cadre des séances de lutte officielles, organisées à l'intention de toute la collectivité villageoise. Dès que les tam-tams résonnent, ce sont les enfants qui composent d'abord le cercle de l'arène et commencent à animer celle-ci par leurs affrontements, généralement entre membres de quartiers différents appartenant à peu près au même groupe d'âge. Les groupes d'âge se succèderont ainsi, des plus jeunes vers les plus âgés, jusqu'à l'entrée des lutteurs attitrés, reconnaissables grâce à leur tenue. La dernière catégorie d'âge avant l'entrée des lutteurs est constituée d'adolescents qu'on appelle A kuk.

 

Les séances de lutte sont organisées généralement dès que les travaux champêtres s'allègent, notamment à partir du second binage - situé vers la mi-août ou début septembre selon le régime des pluies - et se prolongent pendant toute la période des récoltes et au-delà. Ainsi l'enfant a l'occasion de s'initier chaque hivernage et ce, pendant plusieurs années, à l'art de la lutte, en essayant d'imiter ses aînés qu'il voit à l'œuvre dans des arènes archi-combles. Il peut mesurer l'impact de cette manifestation sportive et ludique, la valeur qui lui est attachée, sa dimension poético-musicale avec la poésie gymnique exécutée par des chœurs alternés de femmes dont il savoure la beauté, et d'ores et déjà, rêver de devenir le champion dont on va célébrer les prouesses

 


  • Tenues et accoutrements

Le postulant qui accède officiellement à l'arène en tant que lutteur attitré, notamment parce qu'il a parfait sa maturation pendant la phase précédente où il était A kuk, doit être identifiable par sa tenue. Cette tenue est appelée Mbap. Elle comporte un pagne d'environ deux mètres de long sur un mètre de large, noué autour de la taille et passé entre les jambes, de sorte que la partie tombante se retrouve derrière soi. Une bande de cotonnade d'environ 15cm de large est croisée sous le pagne devant soi, à la hauteur du sexe, puis attachée au dos autour de la taille et pend par-dessus le pagne. Quelquefois elle constitue une sorte de traîne derrière le lutteur, en raison de sa longueur.

 

Le lutteur attitré porte également des jambières faites notamment de cauris, de morceaux de peaux de certains animaux, de bouts de bois d' essences choisies, etc.., fixés à de solides fils de coton noués à plusieurs endroits. Outre leur fonction esthétique, ces jambières sont supposées contribuer à l'efficacité technique du lutteur, en raison notamment de leur imprégnation avec des paroles incantatoires des formules propitiatoires ou des prières.

Le lutteur s'en attache aux mollets, aux cuisses et porte quelquefois des colliers de cauris aux chevilles, complétés par quelques petits grelots. Il porte aussi des brassières dont les éléments constitutifs sont similaires à ceux des jambières. Au niveau de la poitrine qui témoigne de la qualité de son souffle et de sa robustesse, le lutteur arbore également un double objet fixé à la hauteur de son sternum et à la partie correspondante sur la colonne vertébrale.

 

Celui-ci est attaché par de fines lanières de cuir qui passent d'une épaule au-dessous du bras opposé. Chaque partie de l'objet contient des produits supposés efficaces, imprégnés de paroles incantatoires, avec vocation de protéger le lutteur, tout autant que de neutraliser la technicité de l'adversaire en lui faisant perdre tous ses repères et atouts. L'objet participe également de l'esthétique générale du lutteur, en parachevant celle de sa tenue. La tenue officielle du lutteur attitré s'hérite dans la lignée - tout comme l'art de la lutte. - et ne doit pas être lavée, de peur de lui enlever l'aura et le savoir-faire des aînés qui l'ont portée...Son port obéit à des règles strictes qui incluent l'intervention d'une personne dûment désignée et dans le respect de conditions spécifiques selon chaque famille. La tenue mise, complétée par les accoutrements aux jambes, aux bras, à la poitrine, avec quelquefois un bandeau au front ou une plume d'oiseau de proie fichée dans la touffe des cheveux - objet de fierté, élément de l'esthétique locale et même de poésie amoureuse - le lutteur doit passer un pagne teint à l'indigo sur le corps pour dérober aux regards les détails de sa tenue qui ne sera découverte qu'une fois dans l'arène. Le pagne est noué au-dessus d'une épaule, passé sous l'aisselle opposée et descend jusqu'aux pieds du lutteur. Celui-ci se munit de ses grelots en forme de croix ou de simples sonnailles - comme celles utilisées par les joueurs de balafon -, d'une corne d'antilope, et d'une bande de cotonnade de un à trois mètres de long comportant souvent des nœuds et des objets devant contribuer à sa protection et à ses performances, peut, enfin prendre le chemin qui mène vers l'arène.


  • Dans l’arène :

En sortant de la pièce ou de la case où il a mis sa tenue, il avance d'abord d'un pas à partir de la porte, jette une poignée de sel devant lui, fait quelques pas en avant, jette une autre poignée derrière lui, puis une à gauche et enfin une à droite. Ces quatre directions symbolisent les points cardinaux. En y jetant le sel, élément essentiel de protection de soi dans la symbolique sérère, l'on reste hors de portée de tous les maléfices dont on peut être l'objet. Le sel est censé être efficace pour constituer une sorte d'écran contre ces maléfices, tout comme il est supposé protéger l'épouse contre les dangers qui la guettent lorsqu'elle rejoint sa demeure conjugale. Sur le parcours qui le mène vers l'arène, le lutteur doit demeurer silencieux. Il ne sied pas de parler à toute personne rencontrée, chacune, selon son sexe, son teint, sa démarche, etc. pouvant influer sur la chance du lutteur dans le cadre d'une symbolique établie par la culture locale. Cependant dans certaines contrées du pays sérère le lutteur peut jouer de la trompe en corne, en reprenant une mélodie à laquelle correspond une devise qui permet d'identifier sa personne sinon sa famille d'appartenance et ses traditions de lutte.

 

Voici donc le lutteur arrivé à l'arène. Il se fait dégager un chemin pour passer à travers le cercle des spectateurs. La première chose qu'il fera bien souvent, c'est de nouveau de lancer une pincée de sel dans l'arène pour neutraliser tous les actes malveillants dont il pourrait être l'objet. Puis, mettant un genou à terre, il prélèvera une poignée de sable, dira sur elle des incantations ou des paroles propitiatoires avant de la jeter également dans l'arène. Il se dirigera ensuite vers les tam-tams et percutera avec une baguette d'une plante choisie la peau du tambour major. Quelquefois, il s'en ira directement au milieu de l'arène, fichera en terre la corne d'antilope, et se recouvrira du pagne qu'il avait attaché à l'épaule, avant de procéder à une série de manipulations dérobées à la vue et à la curiosité des spectateurs. Quand le lutteur se découvre enfin, il est déshabillé, le corps nu orné des accoutrements décrits plus haut. Alors il peut faire un tour de l'arène dans une démarche altière et féline avant d'aller s'asseoir. A l'endroit où il établit son camp, se trouvent ses accompagnateurs et un ensemble d'objets hétéroclites, dont de nombreuses bouteilles remplies d'eaux «efficaces». Parmi les accompagnateurs, il y a souvent un enfant qui étend entre ses jambes un pagne, dont il fixe chacun des deux bouts entre le gros orteil et l'orteil suivant, de sorte qu'il constitue une espèce de natte. A son milieu le lutteur place le pagne qui le couvrait, enroulé sous la forme d'un coussinet, et s'y assoit. Devant lui, il va de nouveau ficher en terre sa corne et lacer autour de celle-ci, tous les objets qui contribuent à sa sécurité face aux manipulations adverses, et qui préservent et renforcent son efficacité technique. Quelquefois dans l'arène, le lutteur arbore une tenue d'apparat appelée A Yahal, sorte de tunique de cotonnade, large de 60 ou 70 cm sans couture, qui descend jusqu'au niveau des genoux. Elle est enjolivée par des rubans de soie multicolores et de nombreux petits miroirs qui réverbèrent les rayons du soleil couchant, ou les flammes inégales du feu de bois qui éclaire les séances nocturnes. Quand plusieurs lutteurs arborant cette tenue exécutent ensemble la danse de la victoire, selon les règles d'un ballet bien ordonné, le spectacle est d'une beauté sublime !...

 

Voici donc le lutteur dans l'arène, devant un public total, qui fusionne les âges et les sexes et toutes les catégories sociales. A ce titre, l'arène de la lutte traditionnelle et l'arène des joutes de poésie sont les rares manifestations sérères où, sans aucune distinction d'aucune sorte, tout le peuple est convié à être juge des prétentions de toute personne qui désire entrer dans l'espace de la confrontation afin d'y faire valoir ses capacités. Pour ce faire, il faut qu'elle connaisse et pratique le code des défis en usage et les figures de lutte les plus courantes, ainsi que des incantations protectrices et des formules propitiatoires. Avant de se lancer dans la phase de ces défis, le lutteur doit d'abord s'échauffer, créer un courant de sympathie en sa faveur, assurer dans l'arène une présence prévenante et en faisant montre de sa prestance. C'est alors qu'il se dandine avec superbe, au moment où l'orchestre de tam-tams exécute un rythme lent, propice au développement d'une poésie gymnique qui pourra dire ses hauts faits et ceux de son ascendance; célébrer sa sveltesse, sa hardiesse, ou sa puissance. Ensuite le lutteur étend devant lui sa bande de cotonnade munie de nombreux nœuds, en évoluant parallèlement à celle-ci dans un mouvement d'aller-retour, ou en se balançant sur place. Quiconque ose l'affronter prendra sa propre bande de cotonnade et la placera devant lui. Si chacun des protagonistes étend les bras vers l'autre, cela signifie qu'il y a accord pour l'affrontement. S’il soulève l’un de ses pieds en pliant légèrement le genou, il signifie à l’autre qu’il n’est pas son égal: il est au-dessus de lui, qu’il revoie donc ses prétentions à la baisse. Dans certains contextes - et on le voit de plus en plus en ville - le lutteur prend le tambour major l'emmène au milieu de l'arène. Quiconque souhaite l'affronter doit culbuter celui-ci.

 


  • Prises de lutte


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